Rebond au n°2 de À Dire
J’ai lu avec appétit ce deuxième numéro d’À Dire. Belle thématique que celle de l’environnement, qui est l’occasion de questionner nos représentations fragmentaires ou immobilisées, de remettre de la curiosité et du mouvement, d’ouvrir nos sens. J’ai tout lu, presque tout aimé de cette variété d’expression autour de ce sujet. J’ai eu un vrai coup de cœur pour l’article de Paulo-de-Tarso de Castro Peixoto, été sensible aux Psys du Cœur Nomades, aux expériences groupales, à l’acrobatie de la visiothérapie dans une situation d’effroi, à l’écothérapie que j’ai un peu approchée, et ne peux qu’abonder aux influences des contextes sociaux et aux différentes variations conjuguant appréhensions sociales et individuelles du soin thérapeutique. Enfin je souscris à l’appel de JM Delacroix pour élargir et refonder l’accompagnement thérapeutique avec la dimension sociale. J’entends cependant une radicalité dans sa dénonciation de ce qui serait la radicalité de la « pensée unique gestaltiste française » (éternelles querelles dont il serait peut-être intéressant gestaltistement parlant de mettre au jour la ou les fonctions implicites…)
Ayant été invité à lire ce deuxième numéro de la revue A Dire de la FPGT et d’en dire éventuellement quelque chose, c’est à la fois la découverte de ce numéro, de sa thématique et de l’expérience concordante d’un tout récent spectacle de danse dédié à l’unité humain / environnement, qui m’a poussé à vous faire ce retour. Je vous livre à titre de remerciement les impressions que j’ai vécues à ce spectacle.
Au cours du festival Plage de danse qui eut lieu fin mai dans la presqu’île de Rhuys (Morbihan), j’ai assisté à la version d’un spectacle nommé Climax, chorégraphié et adapté par Lionel Hun pour les élèves du conservatoire départemental de Danse. Ils étaient une quarantaine de jeunes, exactement 39 filles et 1 garçon. Le spectacle se déroulait sur la scène pavée, côté jardin de la demeure d’Alain René Lesage, écrivain du XVIIIème siècle, à Sarzeau. L’endroit était fort beau à l’image de la météo du jour déclinant, laissant place à l’éclairage scénique mettant en valeur l’espace, la façade historique, les jeunes danseurs. En costume de scène, les danseuses et le danseur vinrent chacun leur tour, traversant l’espace vers le public, dans une atmosphère empreinte de solennité, déposer dans le micro l’affirmation singulière de leur appartenance au vivant et au cosmos, de leur interdépendance avec les êtres animés et inanimés, de leur solidarité avec tous ceux qui constituent les peuples de la terre, de leur identité individuelle fondée dans l’identité collective, en commençant leur phrase brève par Nous sommes… L’attention du public était palpable, la présence intense et silencieuse. Intensité du contact. Émotion de ces apparitions puis disparitions successives, de ces corps marchant et habités, de ces mains ouvertes, de ces bouches proclamantes, de ces visages résolus et tendus vers tous.
Puis la danse commença dans une musique rythmée et envoûtante, inventant et racontant dans le présent l’histoire d’une ère nouvelle en devenir où l’attention est tournée vers le prendre soin de la planète et du vivant. J’ai été saisi de cette beauté qui n’est pleine que lorsqu’elle s’associe à la bonté de l’intentionnalité et de la mise en acte, profondément touché de cette forme artistique où l’expression individuelle et l’énergie n’étaient pas dissociables de celles, collectives. Il y avait là une extase.
Profondément j’ai compris que le danger climatique et donc social et politique pouvait se vivre et se penser autrement qu’en termes d’angoisse ou de replis. Il m’est apparu que ces jeunes générations étaient arrivées pour cela, déconstruire un modèle, en reconstruire un autre, que c’était leur taf, leur job et par-dessus tout leur engagement, leur métier d’humain, attendus sans doute comme jamais par un tel défi. Un peu partout j’entends les échos de collégiens, lycéens, étudiants, jeunes adultes dont la conscience s’éveille et guide un choix de vie qui s’écarte des modèles dominants.
A côté de la solastalgie et de l’éco-anxiété bien réelles, il y a ce formidable potentiel de transformation, de transfiguration et de résolution graves et enthousiastes. Alors j’ai pris conscience que tout n’était pas perdu et que quelque chose était déjà en route, que l’essentiel n’est sans doute pas de connaître l’issue mais d’acter en conscience un puissant désir collectif de changement et de renouveau pour un monde tourné vers la construction d’une altérité permettant de se trouver soi-même grâce à elle.
Bravo et bonne route pour A Dire et son inscription dans le changement et l’environnement.
Jean-Marie Terpereau
À Dire n° 3 - Automne 2022 - Sommaire
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