J’ai lu "Johnny sur le divan", et "Marilyn, dernières séances", *
Le 15 octobre, la FPGT tenait son premier colloque sur l'invention de formes nouvelles au delà du conformisme ambiant et portait une réflexion sur les polarités liberté/aliénation. Au même moment, je finissais de lire deux ouvrages qui peuvent nourrir nos méditations sur la pression sociale et comment on s'en abstrait, on s'en fait écraser ou où on en joue pour créer des formes toujours neuves à partir des données dont chacun.e dispose.
Quel meilleur exemple que de considérer comment des vedettes ont pu faire avec cette pression existentielle de performance. Johnny Hallyday et Marilyn Monroe ont été des stars immenses, planétaires, lorsque ce mot n'était pas encore galvaudé. Deux thérapeutes leur ont consacré un ouvrage passionnant qu'il est stimulant de lire en duo. Michel Schneider, psychanalyste, a profité de l'ouverture de certaines archives déclassifiées en 2005 pour plonger dans la relation que la comédienne américaine a entretenu pendant sa dernière année de vie avec son psychanalyste Ralph Greenson et relate le fruit de son enquête dans Marilyn, dernières séances, livre qu'il a intitulé « Roman. ».
Plus proche de nous, notre consœur gestalt-thérapeute Jeanne Boyaval s'est intéressée au phénomène Johnny, à partir du constat qu'elle était saisie, elle aussi, comme nombre de Français, au moment de son décès par une émotion qui l'a surprise. Elle est partie de là pour s'interroger en PGRiste sur l'homme, sur son enfance et ses traumatismes. Son livre, Johnny sur le divan, tisse, avec une grande lisibilité, les hypothèses des neuro-sciences affectives avec ce qu'elle a pu trouver comme sources publiques sur le chanteur (autobiographie, témoignages de proches).
Ces deux ouvrages reviennent bien entendu sur les traumatismes infantiles des deux vedettes et éclairent comment la popularité peut à la fois apaiser les blessures narcissiques profondes et ne rien guérir, puisque le vedettariat constitue aussi une aliénation au regard social. On peut aussi lire ces ouvrages avec une visée psychopathologique car ils aident à penser les aménagements de la clinique nécessités par les patients borderline et la question de la part consacrée à la lutte contre les addictions de certains patients. La découverte historique des structures psychopathologiques états-limite et les défis qu'elle posait au cadre des psychothérapies pratiquées dans les années soixante dix est très bien décrit dans l'ouvrage de Michel Schneider avec les débordements de cadre du docteur Greenson envers l'enfant abandonnée qu'était Norma Jean Baker, dont Hollywoood fabriqua une icône.
Ces deux livres nous montrent comment ces deux êtres blessés par leur enfance ont cherché et réussi à être et devenir, malgré la pression de l'image qu'on attendait d'eux. Il rend hommage à ce que les thérapeutes peuvent tenter de faire à leurs côtés, à la fois portés par une grande foi et de l'humilité.
Stéphanie Féliculis
* Michel Schneider, Marilyn, dernières séances, 2006
Jeanne Boyaval, Johnny sur le divan, 2021
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