J’ai lu La convivialité, de Yvan Illich.
Ivan Illich est décédé en 2002. Relire son ouvrage « La Convivialité » me paraissait complètement « has been ». Surprise ! Cet homme était bien un visionnaire, doué d’une puissance d’analyse, dénonçant sans compromis les dérives du développement dans lesquelles nous nous débattons aujourd’hui. Une actualité criante qui m’a confronté à l’absurdité de mon mode de vie, de mes choix de consommation, de mes croyances sur la santé ou l’éducation.
De plus Ivan Illich et Paul Goodman étaient contemporains, ils se sont fréquentés assidûment, partagent des points de vue assez proches sur le système de santé ou, dans l’écrit de Illich « Société sans école » qui reprend des thèses voisines de celles de Paul Goodman. (Voir à ce sujet la conférence de Thierry Paquot dans Gestalt N°56).
Concernant la place des écrans, les communications en visio, et les nouvelles technologies, son verdict est sans appel : « Le grand projet s’est métamorphosé en un implacable procès d’asservissement du producteur et d’intoxication du consommateur » (p.26). « Il s’agit de savoir si le progrès signifie une indépendance accrue ou une croissante dépendance ».
Son choix est clair, il est celui de privilégier la maîtrise de l’outil par l’homme et non l’inverse ! (Je crois que je vais apprendre à mieux maîtriser mon ordinateur ou mon téléphone portable !)
Ivan Illich prône un renversement radical. L’homme n’a pas besoin d’une technologie qui l’asservisse et le programme. « Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don ».
L’auteur serait-il romantique et soixante-huitard confirmé ? On pourrait le penser, tant ses prises de position sont décalées par rapport aux idéologies ambiantes de courses à la productivité pour le bien-être de l’humanité, (réduit en fait à une très petite minorité !). Chiffres à l’appui (d’il y a tout juste 50 ans) Ivan Illich démonte les systèmes de santé (« Elle est devenue une marchandise dans une économie de croissance »), d’éducation (qui favorise la sélection), d’industrialisation (« la société consacre de plus en plus de temps à la circulation qui est supposée lui en faire gagner ») tant ces systèmes génèrent chacun des modes d’asservissement, de surconsommation, de dépendance à des spécialistes et produisent de la précarisation. L’auteur dénonce les fables de l’idéologie dominante qui prône une croissance au service du confort et du bien-être de l’humain, pour, au final, le desservir et l’asservir !
L’enjeu n’est pas de renoncer au progrès, à l’industrialisation, aux avancées de la médecine, ni à l’éducation, mais à condition que ce soit au bénéfice de la convivialité, géré par des personnes qui participent à la création de la vie sociale, avec des outils maniables qui ne rendent pas l’homme asservi aux machines (ou au système de santé) supposées le servir !
Un petit livre à relire pour nous gestaltistes ! Un livre qui donne un surcroît de sens à notre posture d’accompagnant-thérapeute pour une humanité où la liberté, la responsabilité et la créativité sont sauvegardées au détriment de tout asservissement à la technologie.
Jean-Paul Sauzède
Illich Yvan, La convivalité, Points, Paris, 1973
À Dire n° 6 - Automne 2023 - Sommaire
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