J’ai participé à un "atelier de théâtre performatif" L’escalier
L'atelier de théâtre performatif que je fréquente tous les lundis soirs se tient dans le sous-sol d’un local associatif proche de l'avenue de Flandres. Nous nous regroupons au rez-de-chaussée. Qui vient ? c'est la surprise ! C'est ici, en haut de l'escalier, que commence l’atelier, quelque chose de différent va se passer à chaque marche. Regroupés par deux, l’un(e) pose à l'autre une question, l'autre y répond. Ou : sur chaque marche je pense à quelque chose qui m'a agacée pendant la journée, et je jette. Ou : je suis consciente à chaque marche d'une partie différente de mon corps (y compris une pensée de mon cerveau), qui est mobilisée par mon mouvement. Ou : je descends chaque marche de manière différente, de face, à reculons, de côté, à quatre pattes, à plat ventre, en rampant sur la rampe etc.
Quand j'arrive en bas je choisis un lieu, dans la salle, je me pose, dans l'attente que tous soient là pour une proposition imprévisible.
Ce deuxième lundi des vacances d'automne, Gauthier n'a pas réservé la salle, croyant que nous ne serions pas assez nombreux,… ou peut-être à dessein ? Quelques uns d’entre nous ont protesté, l'atelier se tiendra donc dehors : nous sommes trois femmes, de trois générations, moi la vieille, Charlotte comédienne confirmée, vers la soixantaine, et Ori, beaucoup plus jeune, comédienne également.
Pendant une heure nous observons la rue, chacune depuis un poste différent, immobiles silencieuses, nous nous observons l'une l'autre, nous marchons l'une vers l'autre, nous déambulons dans le quartier.
L'escalier à descendre puis cette fois-ci à remonter, ce sera celui de la bouche de métro : tranquillement, longuement.
Je m'accroche à la rampe, me tourne, me plie, me dresse, je lâche mes cannes, quelqu’un, ou moi, les ramasse, Ori en prend une et me la tend, je la refuse, j'accroche la poignée de la mienne à celle qu’elle tient, elle me tire pour me faire monter des marches. On me demande « vous avez besoin d'aide ? », je souris en hochant la tête, une fois je réponds à une très jeune fille : « C’est un jeu ! ». Un monsieur dont j'ai refusé l'aide gentiment se précipite sur Charlotte à quatre pattes un peu plus haut, hélas elle non plus n’en a pas besoin…
Des gens appuyés sur la balustrade latérale nous observent et commentent. À un moment, entre deux flots ascendants déversés par le monstre souterrain, j’entrevois une rangée d'observateurs, barrant le haut de l’escalier, comme les héros d'un western qui, en ligne, attendent l’ennemi pour dégainer. La plupart du temps je suis occupée à déployer mon corps et c'est Gauthier qui nous racontera les commentaires. Tout autour de la bouche du métro les gens qui nous regardent sont perplexes, parfois hostiles (« c’est des droguées ! »), ou curieux, ou amusés. Des jeunes ont ri et nous ont prises en photo avec leur téléphone.
Au terme de notre ascension nous nous embrassons joyeusement : c'est pour Ori et moi notre première « performance ».
Qu’avons-nous fait au juste ? Nous confronter au ridicule, à l'absurde, dans le regard des autres – une découverte de nous-mêmes ? Les confronter, les autres, au ridicule, à l'absurde, à l'altérité ?
Un pas de côté vis-à-vis de la bienséance dans le plaisir d'exister !
Catherine Bolgert
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