J’ai lu… les réponses au questionnaire "Qui lit Quoi"
Le texte du questionnaire
Les membres du Cercle Écriture se posent plein de questions sur ce qu’elles font… Ce serait donc plaisant de recueillir votre avis sur ce qui se passe entre À Dire et vous...
1 - Lisez-vous À Dire ?
Intégralement En grande partie Un article ou deux Pas du tout
Incitez-vous d’autres personnes à se plonger dans cette lecture ? Qui ?
2 - Dans les numéros précédents, un ou plusieurs articles vous ont-ils marqués ? Le(s)quels ?
En quoi ?
3 - Avez-vous eu envie de commenter un article ou de répondre ? Qu’est-ce qui vous a freiné ou empêché ?
4 – Auriez-vous envie de proposer un texte ? Qu’est-ce qui pourrait vous aider à faire le pas ?
5 – Vous auriez envie de dire autre chose aux membres du Cercle Écriture ? Attentes, détestations, ou tout autre...
L’idée de ce questionnaire a émergé pendant les échanges de printemps du cercle Ecriture (préparation du numéro 9 de À Dire). Quel accueil les lecteurs potentiels réservent-ils aux textes ? Comment créer des conditions facilitant le mouvement intérieur amenant à se lancer dans un processus d’écriture ? Lire ce qu’un(e) autre a écrit relève de notre relation à l’altérité tout comme le fait de d’adresser à des inconnus par le biais de l’écriture. Chantal Masquelier-Savatier et Katouchka Collomb avaient proposé à deux reprises - lors des journées d’avril de la FPGT en 2024 et en 2025 - un atelier d’écriture qui avait été très apprécié par les participants. Par la suite, quelques personnes avaient proposé un texte pour À Dire. Dès lors, comment soutenir au mieux le mouvement de fond qui semble s’amorcer ? Le nombre d’adhérents à la FPGT s’accroît et les pratiques professionnelles se diversifient. Comment les numéros de À Dire sont-ils reçus dans ce contexte en évolution ?
Les retours
Le questionnaire a été envoyé aux adhérents de la FPGT, et vingt et une personnes ont pris la peine de répondre à au moins une des questions, même s’il leur a parfois fallu surmonter quelques problèmes techniques. La récolte de réponses écrites a été complétée par six entretiens vidéo d’environ une heure, réalisés entre juin et août, par moi-même.
Il en ressort que trois personnes lisent intégralement les numéros, sept les lisent en grande partie, neuf s’intéressent à un ou deux articles, et deux ne les lisent pas du tout, car « la forme est peu engageante, », nous dit l’une d’elles. Quelques lecteurs adhérents incitent en outre des collègues ou des connaissances à les lire.
Si plusieurs personnes ressentent, sur le moment, une envie de répondre ou de commenter, l’une d’elles remarque qu’elle n’a « pas eu envie, car elle ne se sent pas légitime », tandis qu’une autre estime qu’il est « délicat de faire des commentaires ou des retours »
Le processus de lecture
Durant les échanges verbaux, les personnes ont pris le temps de me faire part de ce qui se passe pour elles. Il ressort tout d’abord que se mettre à lire les textes demande de s’y rendre disponible, et cela ne va pas toujours de soi. Nous manquons de temps et sommes souvent dispersés. Cette tendance, omniprésente dans la société, ne facilite pas la lecture.
Outre les éventuelles erreurs typographiques qui pourraient gêner la lecture (il n’y en a quasiment pas dans les textes, grâce aux bons soins d’Antoine et de nos relectrices, travailleurs de l’ombre rendant fluide notre accès aux mots écrits), se pose souvent le problème de la lecture à l’écran. Plusieurs personnes n’apprécient pas vraiment cette forme de lecture. Ce point revient à plusieurs reprises dans les réponses à la cinquième question (cinq mentions sur dix-sept réponses). Dans les échanges vidéo j’ai donc questionné le positionnement personnel vis-à-vis de l’écran et du papier.
Souvent l’écran reste lié aux contraintes d’une pratique professionnelle tandis que lire touche au plaisir, en lien avec les ‘’sensations papier’’ qui agencent l’univers personnel de la lecture. Ce goût relève du sensoriel (organisation dans mots dans l’espace visuel, grain du papier, geste de tourner la page) comme du fonctionnel (retrouver quelque chose qui a interpellé quelques pages auparavant, mise en lien avec les ressources personnelles déjà existantes…) La possibilité d’imprimer un ou des articles à partir du format informatique PDF, qui est en ce moment à l’étude pourrait combler en partie le manque du plaisir lié à la lecture sur papier.. En partie seulement, bien sûr, car la sensorialité liée au fait de manier un objet dédié à l’écrit (livre ou revue) ne se retrouverait pas dans la lecture après l’impression d’un texte proposé à l’écran en PDF.
L’organisation dans ce processus
Comment les textes lus sont-ils sélectionnés par les lecteurs ? Comment s’organise l’ordre dans la lecture ? Dans un premier survol, un nom d’un auteur, une thématique, un titre… « fait écho » à une préoccupation personnelle, à une réflexion en cours, à l’actualité, à la curiosité envers la pensée d’un autre, en fait. Et la lecture s’engage. Plusieurs personnes remarquent et apprécient la « tenue » des textes, ainsi que « l’honnêteté » et la « clarté » de l’expression. Une personne récemment arrivée à la FPGT les lit pour « sentir l’atmosphère de ce collectif » et dit « y avoir trouvé des pépites », de son point de vue. Pour une autre personne, « les articles sur le fonctionnement de l'emprise apportaient une variété d'expériences et de points de vue » Une autre encore parle d’« articles de qualité ».
Le texte ‘’Soumission, ressentiment, insoumission’’ de Sylvie Schoch de Neuforn (n° 3 d’automne 2022) a été plusieurs fois remarqué, ainsi que ‘’crise de foi’’ d’Emmanuelle Gilloots (n°8 d’automne 2024). Une lectrice a été particulièrement impressionnée par le processus intérieur de ces femmes qui osent parler de ce qu’elles ressentent intimement, quand le « processus de parole passe par l’écrit ».
Il ressort alors que lire les textes de À Dire est une façon de « raffiner sa propre sensibilité », de « rester connecté avec les autres en étirant le temps », un moyen de « (re)prendre contact avec des parties de soi mises à distance ». Autrement dit, de s’auto-éduquer à son rythme, à sa mesure, dans la durée, de travailler « en toute conscience à sa construction d’humain ». Lire un texte proposé par À Dire revient à faire l’expérience subjective du contact à une expression élaborée par une personne ayant pris du temps pour le faire, en cherchant à affiner sa pensée ainsi que sa manière de la proposer à des lectrices et des lecteurs inconnus. Une telle interaction par texte interposé devient alors parfois très riche (des « pépites » !) car l’expérience n’a rien à voir avec celle ressentie au contact de textes produits à la chaîne.
Et se lancer dans le processus d’écriture ?
Il existe une grande différence d’approche entre les personnes déjà familiarisées avec le processus d’écriture par un entraînement personnel et celles pour lesquelles ce n’est pas habituel. À cela deux causes, essentiellement : se sentir légitime n’est pas un sentiment largement partagé pour les personnes ayant répondu au questionnaire et écrire demande du temps qu’il s’agisse de clarifier le fil conducteur de sa propre pensée ou de préciser les termes pour en décrire le contenu. C’est pourquoi la proposition de soutien au processus d’écriture trouve un écho très positif, ainsi que l’idée d’ateliers plus ou moins réguliers, animés à distance, en vidéo. Le tissage continu d’interactions et d’échanges autour des processus de lecture / écriture amorcés par À Dire depuis un peu plus d’une année semble vraiment aller dans le sens d’un besoin latent. Cela augure bien de l’avenir puisque la culture se construit ainsi, dans les entrelacements d’expressions diverses portées par un même courant.
Et je voudrais ajouter une remarque personnelle installée peu à peu dans mon esprit pendant que je rédigeais ce compte-rendu. En 2020, dans le journal The Guardian était publié un éditorial fabriqué avec les outils de l’intelligence artificielle avec un avertissement au lecteur indiquant le procédé de fabrication. Aucune différence n’était pourtant décelable entre un texte élaboré par l’humain et celui qui avait été généré automatiquement par une machine. En cinq ans, les possibilités des technologies de génération du langage écrit et parlé se sont encore amplifiées. L’accès aux intelligences artificielles (I.A.) nous donne par conséquent aisément l’illusion de pouvoir instantanément obtenir un résultat satisfaisant sans passer par un lent et laborieux processus d’élaboration. De même, nous pouvons tout aussi aisément programmer à notre propre intention des ‘’interlocuteurs’’ formulant à l’oral ou à l’écrit ce que nous aimerions lire ou entendre. Nous avons alors particulièrement besoin de nous entraîner méthodiquement et dans la durée à comprendre le point de vue d’autrui comme à formuler notre façon singulières d’être humain et de faire société. Les processus d’interactions et d’échanges autour de la lecture et l’écriture que À Dire fait vivre me paraissent alors d’autant plus essentiels et bienvenus.
Claude Falgas
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