J’ai lu "Les enfants sont rois" de Delphine Le Vigan

Delphine Le Vigan nous offre une sorte de partie de ping pong où le lecteur bascule au fil du livre entre deux mondes : celui des bisounours, d’une pluie de mots tendres, creux et sans odeurs, d’une surconsommation ruisselante, d’un monde perçu au travers de l’objectif de la caméra qui capte et diffuse à des milliers d’abonnés avides d’intimité un quotidien insipide mais qui se veut exceptionnel !

De l’autre côté un monde cru, presque froid, celui d’une commissaire de police passionnée d’enquêtes, de comptes-rendus scrupuleux pour ne pas déformer le réel et dénouer des intrigues criminelles !

D’un côté une mère, déçue de loft story, qui veut faire vivre à ses enfants une gloire somptueuse dont elle n’a pu jouir, de l’autre une fonctionnaire attentive aux moindres détails qui pourront dénouer l’intrigue. Car il y a une intrigue. Un des enfants sera enlevé, mais dans quelle intention, par qui et pour dénoncer quoi ?

Au travers de ce roman captivant, l’auteure dénonce avec lucidité et parfois cruauté l’asservissement d’une famille à un public avide de pénétrer l’intimité de l’autre. C’est une dénonciation des manipulations d’enfants victimes des mises en scène de leurs parents pour des intérêts financiers et un narcissisme à paillettes. C’est une accusation sans appel des réseaux sociaux qui mettent en avant l’appétit parfois charognard d’un public avide des moindres détails de la vie des autres.

Delphine le Vigan nous interroge sur quelle vie nous voulons pour nous et nos enfants ? Son roman interpelle notre usage des réseaux sociaux et comment ils participent à développer des modèles brodés autour de la réussite (y compris de la dernière recette de cuisine), de la consommation (mon dernier achat de vêtement) ou des exploits réalisés (mes dernières photos de vacances !). Je parie que vous vous êtes aussi laissés prendre à ce jeu : mais à quoi joue-t-on ? Au profit de qui ? Et est-cela vivre ?