J’ai lu "10 films pour comprendre la Gestalt-Thérapie"
Sous la direction de Lionel Souche et Chantal Masquelier-Savatier
Quelle belle idée que de proposer un livre mêlant ciné et Gestalt pour rendre accessible les concepts qui organisent l’approche thérapeutique gestaltiste et donner à voir ce dont nous parlons d’abord de façon sensible puis dans le vif de la pratique au travers de situations cliniques.
En effet, ce livre collectif est structuré de telle sorte que chaque article répond à la même construction. Le film illustre un concept de la théorie et celui-ci est ensuite illustré par une séance clinique. Pour chaque concept, un auteur différent.
Cette diversité d’auteurs offre une belle palette de regard pour découvrir ou redécouvrir ce qu’est pour nous en fait ce concept. Nul besoin de lire les chapitres dans l’ordre, on peut s’y balader et passer ainsi d’une illustration cinématographique ou clinique comme on veut. Et cela invite même à regarder les films autrement, comme nous y convie la préface de Francis Vanoye.
On y lit combien la Gestalt est avant tout une expérience esthétique (p. 22/23) et combien il y a de similarités entre la séance de thérapie et la construction d’un film.
Et puis on continue par une introduction permettant de donner les repères, les fondements et la cohérence de la posture pour s’engager ensuite dans une balade ouvrant à « une expérience bienfaisante du saisissement » (F. Vanoye). Différents concepts sont abordés en profondeur, pour comprendre, et en légèreté pour se laisser emmener dans la description de l’auteur à propos d’un film, d’une séance de thérapie à laquelle nous assistons. Par les sens nous essayons aussi de capter la teneur de ce qui veut être dit et ce qui veut être évoqué. Se laisser sentir et emporter par ce qui est toujours là à l’œuvre pour saisir, l’espace d’un instant, la direction de sens. Nous partageons ces douloureux moments où se cherchent un ajustement créateur, un dévoilement, une co-existence, un contacter, un engagement, une gestalt inachevée etc. autant de facettes de l’existence mais aussi de moments particuliers de bascule où se révèle une dimension de la théorie.
Le livre se termine par une postface de Xavier Briffaut sur la place de la Gestalt-thérapie dans le champ des institutions de la psychothérapie. Il met en lumière la délicate position de la Gestalt qui tient davantage du côté des sciences sociales que des sciences du psychisme, ces dernières œuvrant vers « un combat pour la domination anthropologique, c’est à dire pour une définition unique de l’humain qui l’emporterait sur toutes les autres, et qui finirait, par s’imposer, sous couvert en particulier de bonnes intentions des politiques (de santé) publique ».
Voici quelques moments remarquables de cette balade en territoire gestaltiste.
Indissociabilité et interdépendance organisme/environnement
Les fonctions du Self, tout d’abord par la notion d’ajustement créateur avec Lulu, femme nue (2013) et JM. Terpereau qui nous emmènent du côté de l’exploration des possibles et de la nouveauté. Ingrédient indispensable effectivement pour ouvrir et oser contacter ce qui apparaît et rester avec, déconstruisant par là-même l’influence dominante des introjets. Ce que l’on approfondit dans les introjections à l’œuvre dans les thérapies de couple jusqu’à l’ajustement créateur avec Les Noces rebelles (2008) et M. Beauviala. Autre facette de la théorie, facteur indispensable et incontournable de la possibilité d’explorer que ces deux auteurs évoquent, et qui ici est largement développée avec N. Place : l’awareness. Elle nous convie à être attentif à l’ensemble des phénomènes qui émergent de toute rencontre avec Une journée particulière (1977) et nous parle d’éveil sensoriel à ce qui est là.
Le cycle du contact avec Miracle en Alabama (1962). A. Schnerb nous propose de saisir la difficile assimilation d’une expérience de contact à travers ses différentes fluctuations.
La projection avec Revoir Paris (2022). F. Vanoye en définit les contours à travers ses variations et surtout, nous invite à d’abord la voir comme « puissant agent de contact »
Certaines positions particulières dans le monde de la thérapie :
Ce qui me parait le plus délicat finalement est de mettre en lumière la spécificité de l’approche gestaltiste pour bien en saisir la portée thérapeutique et montrer le changement de paradigme. En effet, les aspects esthétique et éthique sont fréquemment sollicités entre laisser faire, laisser œuvrer le processus et confronter ce qui se passe. Le choix de se centrer sur ce qui se présentifie à la frontière contact, d’être à l’endroit des contours, du mouvement, induit un être-là thérapeutique actif, mobilisé et le moins possible prédéterminé. Présence sensible toute en awareness, plutôt que cherchant à comprendre. Alors « faut-il achever les gestalts ? » est la question à laquelle s’est confrontée C. Masquelier-Savatier. Qu’entend-t-on par exister ensemble ?, telle que l’a illustré M. Bittar, qu’est-ce que signifie être engagé dans la situation, thème central en Gestalt. C’est celui qu’à choisi S. Schoch de Neuforn. Qu’en est-il du dévoilement du thérapeute quand celui-ci consiste « à partager ce qu’il vit face à son patient » à l’occasion de la situation ? Délicate question et position assumée par la gestalt à l’inverse de beaucoup d’autres approches et sur laquelle V. Andrianatréhina s’est penchée. Les films choisis permettent d’illustrer, peut-être sentir aussi de quoi on parle, et également de comprendre comment l’auteur s’est emparé de la question pour finalement peut-être nous convier à nous la poser.
Vous l’avez bien compris, l’indissociabilité fluente organisme / environnement se retrouve partout et tout le temps dans la façon d’être en situation thérapeutique. Ainsi le groupe en thérapie peut être envisagé du côté de la thérapie en groupe ou de la thérapie de groupe car « les membres ont une influence sur le tout, qui existe autour d’un but et grâce à un cadre qui le structure » (L. Biscarrat p.171). Cet auteur a choisi pour montrer une pratique de groupe Je verrai toujours vos visages (2023). Ce film illustre la portée d’un travail en groupe et du groupe. Il nous invite à envisager à quel point « il peut se vivre comme un ensemble social qui engage la vie dans la cité » et comment « faire avec l’altérité crée une communauté d’apprentissage porteuse de changement pour soi, pour notre lien à l’autre et pour la société ».
Laisser apparaitre sa posture
A travers les vignettes cliniques on rencontre chaque auteur dans sa façon de nous dire et nous montrer qui il est, ou ce sur quoi il veut attirer notre attention. C’est comme si nous assistions à plusieurs ateliers de pratique, ce qui est très apprenant de chaque style et de ce qui fait référence pour chacun. C’est une visite ou revisite de l’évolution de notre métier mais aussi de nos racines car « la Gestalt-thérapie adopte les postulats du courant phénoménologique à propos de la conscience et la subjectivité, en refusant l’idée de la connaissance absolue ». Il n’y a finalement pas une seule façon d’y être, il y a à composer avec le processus en cours et chaque composition est une organisation particulière en termes de pertinence, et de singularité.
Ce livre très accessible et pédagogique donne à voir, permet de saisir et de comprendre les particularités de l’accompagnement qui repose sur « le présent, porte d’accès à la conscience » (C. Masquelier-Savatier p. 34) ; il se centre sur ce qui se produit et focalise sur la qualité de présence.
Régine Cludy
A propos d’altérité
« Je suis là où nous sommes »Pensée de la brousse africaineAltérité ? un bruit d’aile à tir...
Quand les figurines font figures
Ce thème de l’altérité m’inspire, il est au cœur du travail que je propose avec les figurines....
Les plus qu’humains
Un roman gestaltUne vieille amiePetit garçon, j’étais à l’affût des histoires qui font peur, de...
Les Ailes de l'Altérité :
Essais sur le Temps, le Désir et l'ÉcouteL’épaisseur de l’absurde et l’appel de...
J'ai lu … "Fin (s) de thérapie" de Pierre Van Damme
Je ne connais pas Pierre. Au travers de la préface de Gilles Delisle, je découvre qu'il est...
Courrier des lecteurs
Claude FalgasSans remettre en cause les propos de Jean-Marie Delacroix sur les origines de la...