J'ai lu … "Fin (s) de thérapie" de Pierre Van Damme
Je ne connais pas Pierre. Au travers de la préface de Gilles Delisle, je découvre qu'il est co-fondateur de Champ-G, psychothérapeute et formateur, et que ce livre accompagne la fin d'un cycle de près de 40 ans d'exercice professionnel. Il accompagne son départ à la retraite.
J'apprécie le propos introductif et le chapitre 1 qui posent le cadre d'une réflexion sur ce qu'est la fin en thérapie, interrogent la forme et ce qui va rester : Comment accompagner ? Qu'est-ce qui reste après la fin ? Quelles sont les traces ? Très vite apparaît qu'il n'y a pas une seule forme et que bien des enjeux s'éveillent là, très différents pour chacun-e. En même temps, dans cette diversité de formes, de parcours, à chaque fois il est question de lien entre la personne et son environnement, entre la personne et son thérapeute, il est question de comment on est en relation.
Pierre parle à plusieurs reprises de son propre chemin à l'heure de se séparer. Il parle de l'écriture comme d'une manière de ne pas se séparer trop vite de ses patients (p.12). De son expérience, il relève l'importance de prendre le temps : « Quatre rencontres de trop sont souvent moins dommageables pour le patient qu'une fin bâclée sur laquelle il ne pourra pas revenir et qui va peut être constituer une situation inachevée nocive à long terme » (p.35).
Le corps du livre retrace une recherche clinique, le parcours en thérapie de dix patients qu'il a accompagnés et qui ont accepté de participer à un temps d'évaluation spécifique, de répondre à un questionnaire et d'être enregistrés lors du dernier entretien avec lui. Je suis sensible à cette démarche singulière. Je m'interroge sur ce que cela permet d'amener un patient à écrire au moment où il s'agit de clôre un espace thérapeutique, de quelques mois ou de plusieurs années. La fin est un moment d'intégration nécessaire rappelle Pierre. Ecrire et mettre en dialogue avec son thérapeute ce que l'on a écrit est une forme, une voie possible d'intégration. Je suis familière d'une telle démarche puisqu'une partie de mon activité est dédiée à l'accompagnement à l'écriture. Découvrir la démarche de Pierre m'interroge sur ce que je peux ou non m'approprier, avec en fond la question de l'intérêt thérapeutique : la démarche est-elle transférable à chaque patient-e ? Quelle créativité possible pour moi thérapeute comme pour mes patient-es dans cette forme de clôture?
Une grande place est faite au récit des parcours thérapeutiques de chaque patient-e avec le thérapeute. Ainsi, à bien des endroits, c'est plus la singularité du chemin de chacun-e qui est mise en lumière que la fin elle-même. On découvre un auteur poète qui partage une trace sensible de ce qui lui reste de la rencontre avec chacun-e. Il s'arrête sur des problématiques spécifiques à chacun-e, les documente avec des références bibliographiques riches qu'il adjoint à chaque fin de chapitre.
L'auteur se dévoile en conclusion. Je découvre qu'il a assoupli le cadre de l'après-thérapie (p.184). J'aurais aimé qu'il nous parle plus de ces choix singuliers, de leur sens. En quoi l'assouplissement de son cadre a-t-il été bénéfique ? Qu'est-ce que cela lui permet à lui thérapeute comme à ses ex-patients ? Je me demande ce qu'il dirait aujourd'hui de son activité de thérapeute. A-t-elle pris fin ? Comment ses « ex »-patients continuent-ils à exister dans sa vie ?
Un livre qui donne matière à réflexion sur un sujet, « la fin », qui me semble très sensible à bien des plans, autant pour nous thérapeutes que pour les personnes que nous accompagnons, un endroit que peut-être nous n'avons pas toujours envie de penser et qui pourtant est un indispensable.
Aude Looten
Pierre Vandamme, Fin-s de thérapie, trace et séparation, L’Harmattan, 2025
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